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LIDAR-QUEBEC-BOREAL

EXTRAITS

 

Plusieurs notions de volume peuvent être employées selon les circonstances et les domaines d'application (par exemple dans les inventaires de planification ou les bourses de matières premières). Le volume total ligneux , qui fera l'objet de notre étude, se définit comme le nombre de mètres cubes totaux de matière ligneuse donnée par les différentes parties exposées d'un arbre : tronc, branches, etc. On exclut donc généralement d'office la partie des racines et même la souche jusqu'à 0,3 m du sol. Par contre, le volume marchand brut restreint cette quantité de base en retranchant les gaulis (arbrisseaux d'un diamètre de 9 cm ou moins) et la partie de la couronne qui n'est pas exploitable, soit les branches d'un diamètre de 9 cm ou moins. Le volume marchand net quant à lui enlève à la fois l'écorce, les défauts et la carie. Dans tous les cas, le volume d'un peuplement représente la somme des volumes individuels d'un groupe d'arbres de composition floristique et écologique homogène formant une unité spatiale intègre. Le volume d'une strate est quant à lui la somme des volumes d'un ensemble de peuplements assez similaires répartis sur un territoire homogène circonscrit dans un but précis (exploitation, loi, recherche, etc.).

Le calcul du volume ligneux au Québec pour l'arbre individuel repose sur une équation de régression reliant, pour chaque essence, le diamètre à hauteur de poitrine et la hauteur au volume marchand brut. C'est ce qu'on appelle un tarif de cubage, dont il existe une version spécifique pour le Québec, réalisée à partir de 22 000 arbres. La déviation du modèle, pour environ 200 arbres-témoins par essence, est de plus ou moins 1 %. L'équation pour le volume d'un peuplier faux-tremble est donnée par :
-1,5881596*hauteur + 0,0358535*DHP2*hauteur et, pour l'épinette blanche, par :
-24,9889 + 4,90312*DHP -0,21366*DHP2 -4,6912003*hauteur + 0,33143*DHP*hauteur
+ 0,03131*DHP2*hauteur (volume en dm3 sous écorce, hauteur en m, DHP en cm).
À noter que la variance du volume augmente avec la dimension de l'arbre. Lorsque l'échantillonnage ne fournit pas de mesures de hauteur systématiques (à cause de délais courts), on doit alors calculer un tarif local c'est-à-dire une relation entre le DHP et la hauteur. À partir des données de base de l'inventaire et de ces calculs ultérieurs, on peut alors obtenir différents tableaux récapitulatifs de la situation.

 

Le LIDAR ou "LIght Detection And Ranging" est construit sur le principe de l'émission d'un signal lumineux discret ou continu vert, ultraviolet ou infrarouge et de la réception de sa portion réfléchie par tout objet intercepté, dans le chemin inverse. Le LIDAR est donc à la fois un instrument et une méthode de détection fondée sur les propriétés géométriques des objets à étudier. Il appert que, généralement, la source émettrice d'un LIDAR est un laser, pour "Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation", une source de lumière cohérente hautement convergente (un rayon très fin donc). C'est pourquoi un LIDAR monté sur plate-forme aéroportée -incluant un hélicoptère- est souvent appelé un ALS ("Airborne Laser System"). Ces différents concepts ont été synthétisés en français par le terme "altimétrie laser aéroportée". Le laser, mis au point par Maiman en 1960, a vu ses premières applications spatiales vers 1975, par les Français et les Américains (vols Apollo). C'est la mesure, par une horloge, du temps écoulé entre l'émission et la réception, par une photodiode (circuit imprimé), des photons du signal laser réfléchi qui donne la notion précise de la distance entre l'appareil et l'objet visé et, par calcul basé sur la vitesse de la lumière, de l'altitude, lorsque l'appareil fait un survol.

 

La région d'étude est la zone de conservation de la Forêt d'enseignement et de recherche du lac Duparquet (FERLD), située en forêt boréale mixte (domaine de la sapinière à bouleau blanc), localisée à environ 48°30' x 79°20', en Abitibi, au Québec (fig. 3.1). La région est sous les 400 m d'altitude, de température moyenne 0,8 °C, sans gel pendant 64 jours, avec une pluviosité de 857 mm par an (GREF-I, 1997). Les sols sont de type luvisols gris de la "Ceinture d'argile". Des feux ont eut lieu en 1760, 1797, 1823, 1847, 1870, 1916 et 1944 et la tordeuse des bourgeons a sévi entre les années 1970 et 1987. D'autre part, on a récemment constaté que plusieurs coupes de bois ont été effectuées surtout dans la première moitié du 20e siècle, même dans cette zone. L'évolution des peuplements non perturbés suit la séquence : tremble-->tremble-->épinette/sapin-->thuya. Il sera aussi utile de bien connaître les caractéristiques des deux espèces d'arbre qui seront plus spécialement considérées dans cette étude, soit l'épinette blanche et le peuplier faux-tremble. Les inventaires sur le terrain ont été faits en 1998 et 1999 : études détaillées d'arbre (environ 110), placettes-échantillons (42), DHP et essences d'arbre (environ 1 750). L'acquisition des points laser en x, y, z s'est faite lors d'un survol par avion en juin 1998. Trois passages à environ 700 m d'altitude furent effectués, un pour les échos de sol et deux pour les échos de végétation (environ 8 km2 de surface échantillonnée au total). Un maximum de 20 degrés sous l'avion a été enregistré par le système à balayage.

 

Cinq phases divisées en diverses étapes et sous-étapes ont été identifiées pour la méthodologie.
1- Acquisition des données (survol du LIDAR et pré-traitement commercial, localisation sur le terrain par GPS, inventaire aléatoire stratifié sur le terrain par placettes carrées, études d'arbre individuelles sur le terrain);
2- Préparation et contrôle des données;
3- Pré-traitement des données (élaboration de modèles allométriques avec les données de terrain, élaboration de modèles avec les données du LIDAR);
4- Traitement des données (calcul des volumes sur le terrain par essence par placette, calcul de la contenance selon le signal laser par placette);
5- Analyse préliminaire des résultats (classement des modèles pour le volume par placette, établissement d'un modèle pour le volume par strate, analyse des facteurs externes).

 

Notre recherche consistait à explorer divers traitements possibles de signaux d'un altimètre laser aéroporté dans le but de déterminer si cette technologie était apte à mesurer le volume ligneux, ce dans diverses conditions écologiques de composition floristique, de recouvrement végétal et de relief. Ceci nous a amené à compiler un échantillonnage de terrain comprenant entre autres 38 placettes de 20 m de côté réparties sur un territoire de 5 km2, et dans lesquelles prédominaient le peuplier faux-tremble et, à un moindre degré, l'épinette blanche. Un volume moyen par placette de 332 m3/ha a été calculé par la méthode de tarif de cubage préconisée par le MRN.

Le volume ligneux dans un territoire est déterminé surtout par trois variables pour lesquelles il s'agissait donc d'analyser individuellement et en combinaison les possibles relations entre leur estimation "terrain" et "LIDAR" : la hauteur, pour laquelle on a trouvé une sous-estimation de l'altimétrie laser de près de 3 m (17 m sur le terrain - 14 m pour le LIDAR); la densité en tiges à l'hectare, pour laquelle on n'a pas obtenu de relation significative (cependant la notion apparentée de surface terrière a bien fonctionné avec un r2 de 0,67, ce qui illustre la contribution du DHP); le recouvrement, qui est relié à 0,5 au couvert cartographique. L'intégration de ces paramètres à des modèles prédictifs du volume marchand brut basé sur le LIDAR a été positive, notamment pour celui de la hauteur brute du signal laser, qui donna 0,52 (linéaire) et 0,66 (quadratique). Mais les méthodes les plus performantes furent l'interpolation de la hauteur donnée par le LIDAR (0,72) avec 342 m3/ha
de contenance moyenne (PET : 392, mixte : 291) et sa version seuillée avec 247 m3/ha (0,77). L'ajout du recouvrement améliore encore la régression jusqu'à 0,80. L'écart-type résiduel se tient entre 50 et 75 m3/ha.

On remarquera aussi que les modèles du LIDAR pour le peuplier prédisent plus exactement le volume (jusqu'à 0,88) que ceux pour l'épinette et la forêt mixte combinés (jusqu'à 0,65). Des essais en vue de prédire des volumes de terrain développés dans l'espace (canopée, au sol) à partir du signal laser n'ont pas aussi bien fait (0,51 au mieux). Par ailleurs, nous avons aussi incorporé 12 simili-placettes de plus bas volume que celles de l'inventaire au modèle seuillé (0,86). Enfin, l'extension du modèle linéaire d'interpolation de base à toute la région d'étude a donné plus de 100 000 m3 de volume et a bien réagi lorsque comparée aux volumes dans 8 strates cartographiques (0,77). Finalement, on a pu déterminer des modes de représentation graphique adaptés à ce genre de données. Certains de ces aspects méritent un retour explicatif ou critique sur les résultats.

 

En ce qui concerne les modèles prédictifs à une variable, on constate que les données du LIDAR interpolées prédisent le volume plus efficacement que les données brutes, parce qu'on tient alors compte des trois axes de volumétrie (x, y, z) : la valeur de chaque hauteur mesurée est en quelque sorte pondérée par l'aire de voisinage de chaque point laser. La méthode des diagrammes de Voronoï utilisée pour cela est réputée ne pas entraîner d'artefacts. Le seuillage adaptatif (selon la moyenne de hauteur) semble une approche solide, sans doute à cause de sa double nature : proprement volumétrique et aussi, réductrice du bruit : les petits arbres non inventoriés sur le terrain sont ainsi éliminés et, plus on monte en hauteur dans la canopée, moins le LIDAR a de chance de frapper une branche latérale.

Il est possible que les régressions quadratiques sur le volume se comportent mieux que les linéaires parce que le signal laser ne serait pas en mesure de "voir" le sous-bois et qu'il y aurait donc saturation (du moins avec ce modèle précis d'altimètre). Une autre possibilité d'explication de ce phénomène est l'interpénétration des couronnes. À faible densité, les arbres d'une forêt se touchent à peine. Mais lorsqu'il y a densification, les couronnes s'entremêlent et le volume continue à augmenter sans que le LIDAR capte ce changement. Cette interpénétration est moins grande pour les conifères, ce qui expliquerait que le second degré n'améliore que très peu les résultats obtenus pour les modèles portant sur les épinettes.

Les formes de contenance qui sélectionnent une partie des retours laser en éliminant les valeurs basses (centile, grille, seuillage) fonctionnent mieux que les autres parce qu'elles ont pour effet de ne garder que les arbres dominants, mieux mesurés par le LIDAR. Pour confirmer cette hypothèse, nous suggérons de prendre en note la position sociale de chaque arbre lors d'un inventaire et de séparer les relations en deux parties (dominants, co-dominants, à ensoleillement direct d'une part, intermédiaires et opprimés restants d'autre part).

Lorsqu'on cherche à améliorer les modèles du volume par interpolation laser en ajoutant un deuxième facteur prédictif, le recouvrement de canopée se trouve le facteur qui amà éliore le plus la prédiction, parce qu'il est lui-même bien prédit par le LIDAR. Le recouvrement s'avère utile parce qu'il ajouterait un certain contexte la contenance, c'est-à-dire qu'il nous indiquerait si la contenance est dû au fait qu'il s'agisse de grands arbres, d'arbres denses, ou les deux à la fois.éci-fiques fonctionnent le mieux. Il se trouve que les peuplements de peuplier faux-tremble étaient en moyenne plus purs que les peuplements d'épinette . Il y a également plus d'observations, avec une meilleure dynamique des données, ce qui expliquerait la performance supérieure du peuplier. La forme des cimes (elliptique / pointue) serait aussi un facteur d'influence dans les modèles de prédiction. Ainsi, l'échantillonnage fonctionnera mieux pour une canopée moins ée parce que des variations moindres existeront alors à l'intérieur d'un intervalle entre deux points laser. Le corollaire est vrai pour le micro-relief du terrain, dont l'aspect plus ou moins accidenté influera sur l'altitude mesurée du sol.

 

Conception: Alain Renaud, août 2000